Vincent Fortier frappe de plein fouet avec un premier roman qui aborde un passage rarement évoqué en littérature. Le narrateur se remémore cette sortie du placard qui lui a permis d’affirmer son homosexualité, geste traumatique s’il en est un, mais un passage qui, des années plus tard, lui semble maintenant inachevé.
Au-delà de l’identité gaie qu’il a assumée, il en vient à réaliser qu’il veut explorer bien plus que les limites ou le carcan de cette étiquette, mais bien plutôt la plénitude de son côté queer. Nulle surprise, diront certains, que pour illustrer ce propos, la couverture du livre affiche un homme arborant une robe de dentelle. Cette vision est cependant réductrice puisque, comme il le souligne en entrevue, il s’agit simplement d’un gars avec un morceau de tissu en dentelle sur le corps. Ça s’arrête là ». Le récit débute par ailleurs en coup de poing avec un narrateur qui, un peu comme s’il rédigeait une simple liste d’épicerie, évoque la rédaction de ses lettres de suicide. L’entrée en matière est brutale et peut laisser craindre une atmosphère tragique alors que le ton demeure presque badin, bien qu’à la fois cinglant. Un art périlleux de la corde raide que Vincent Fortier maîtrise à la perfection tout au long du récit. À titre d’exemple, malgré l’intensité dramatique des actions du narrateur, on ne peut que s’esclaffer des mentions d’un homicide involontaire par excès de politesse ou de l’appropriation culturelle à l’endroit des contes de fées qui s’y entrelacent. Confronté à la fin d’une relation amoureuse, celui-ci contemples a fin imminente ainsi que tous les éléments qui ont mené à cette conclusion qui lui semble inéluctable. Mais l’est-elle réellement? Les phénomènes naturels évoqués dans le titre représentent des collisions ou des dissonances qu’il faut s’abstenir de nier ou de résister; les assumer permet au contraire parfois de devenir autre et de migrer vers un état ou une identité nouvelle. Un roman étonnant qui, bien que très bref (109p.) n’en marque pas moins l’esprit et annonce sans aucun doute un auteur à surveiller de près.
Fugues